Lettre ouverte à Suzel
Je viens d’apprendre une bien triste nouvelle. Monika vient de m’appeler il n’y a pas très longtemps. Elle m’a joint alors que j’étais dans la montagne au dessus de La Carnia. Je viens assez souvent dans l’année, escalader cette côte en vélo, pour ensuite me retrouver seul ici, à méditer dans le silence. Et le silence a été rompu par mon téléphone, là, au milieu de nulle part. Tout d’un coup j’ai été connecté à Paris, lieu de tragédie, mais dans la foulée, me voilà projeté dans la région de Amiens, chez toi, lieu d’une autre tragédie pour toi. Je ne fais plus attention au temps qui passe. Le coup de fil s’éternise. La nuit tombe. Il va falloir que je redescende, sans lumières, dans la vallée. Le téléphone sonne encore une fois, sur ma ligne italienne cette fois. C’est ma mère qui s’inquiète: « Madonna santa ! Tu es encore là haut? » Je me dépêche. Le froid est glacial.
A peine arrivé, c’est les doigts encore engourdis que j’allume mon ordinateur et commence à taper mon message. Dans ces circonstances les mots ont peu d’importance. Je sais bien que rien ne peut exprimer la douleur. Rien ne peut arrêter le flot des souvenirs. C’est pourquoi, je ne voudrais exprimer que juste ma présence. Partager un souvenir. Je n’ai pas connu ta maman, bien que, et tu le sais, j’aurais été enchanté de la rencontrer. Mais j’ai été fier, oui, fier est le mot, de mener à bien cette mission, l’année dernière, sur les marches du campanile de la place Saint Marc à Venise et puis ensuite, vraiment satisfait de savoir que ta maman avait apprécié de voir la photo que j’avais fait de toi… de vous deux, en fait. Que de choses passées depuis que cette enfant de 10 ans avait posé pour la postérité dans cette cité des Doges. Toute une vie. Moi, je ne peux que les deviner. Mais toi, Suzel, l’histoire tu la connais et ces souvenirs t’appartiennent. Toi seule connais leur importance. Et si tu veux en partager avec moi, je serai bien sûr ravi d’être à ton écoute, quand tu le désireras…
Je t’embrasse et dès que j’aurais planifié mon voyage en France, je viendrais te voir…