Fubuki

15 mars 2003

Hier je suis allé, à Paris, voir le film « Stupeur et tremblement » tiré du livre d’Amélie Nothomb, du même nom. J’ai été déçu parce que le film… est très bien. Ce qui est rare lorsqu’un film est tiré d’un livre. Il est très fidèle au livre et le relègue malheureusement au rang de script. Je me suis donc fait l’effet d’un réalisateur regardant la dernière mouture de son montage qui lui est désormais familière. Il faut dire que le livre s’y prête bien, puisque déjà dans son style il a été écrit pour être raconté et donc filmé.

D’ailleurs dans la salle, grande et pleine, on se rendait bien compte qu’il y avait deux genres de public. Ceux qui n’avaient pas lu le livre et qui riait aux éclats à chaque situation cocasse. Je rappelle, tout de même, que j’étais dans une salle UGC du quartier des Halles. Et puis il y avait ceux qui avaient lu le livre. A mon avis, la grande majorité de la salle. Eux ne manifestaient rien. De la même manière que je revoyais, à l’écran, des images que je m’étais déjà faites dans la tête, en lisant le livre, je les suspecte d’avoir eu le même regard convenu et complice que le mien.

Le film et le livre sont-ils une caricature du monde du travail au Japon? La réponse est bien évidemment: non. Ce n’est pas une caricature, c’est la réalité. C’est la réalité comme seul un étranger peut la voir. Ceci dit, peut-on sérieusement faire un quelconque parallèle avec le monde du travail en France? La réponse est bien évidemment: oui. Autant le japonais introverti subit-il l’humiliation ouverte et théâtrale de ses collaborateurs, autant le français extraverti subit-il l’humiliation subtile et cachée de ses collaborateurs. La raison en est la même. S’imposer pour que l’on ne s’impose pas à vous.

C’est donc bien la peur qui est, comme trop souvent, le moteur du système. Cette règle dépasse bien entendu le cadre du monde du travail qui n’est, dans ce cas, qu’un générateur de rencontres. Cette peur, a tout simplement pour conséquence, l’inversion des valeurs. La bonne intention devient la mauvaise intention. L’attention particulière et sincère que l’on porte aux autres est interprétée comme une tentative d’invasion et de prise de contrôle. C’est ce que j’appellerais le syndrome Fubuki.

giorgio

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