Ce soir, je suis à Venzone, sur la place. La journée a été très chaude. Peut-être encore plus chaude que toutes les autres et c’est la raison pour laquelle, encore aujourd’hui, j’ai passé l’après midi sous un parasol, les pieds dans l’eau dans le Fella.
Place du « Municipio » au « Caffè Vecchio » toutes les tables dehors sont encore vides. Pas pour longtemps. Je me dirige vers l’avant dernière. Je regarde longuement le jour décliner sur les vieilles pierres. La soirée s’avance. J’ai déjà fini de siroter mon lemon soda avec des glaçons, quand une famille élargie décide de s’accaparer, derrière moi, la dernière table. Je me dis : « Fini le calme ». Mais après tout, à tout prendre, si j’ai le choix dans le bruit, je préfère le piaillement des enfants.
Les gamins choisissent leur chaise. J’en entend un qui dit : « Je suis fatigué, je ne bouge plus » Une petite fille choisi la chaise la plus proche de moi. Tout le monde est installé, mais c’est de courte durée. Les enfants se lèvent pour aller choisir leurs glaces. Un gamin encore plus jeune revient, avec ce que je devine être une glace au chocolat, et s’assoie sur la chaise près de moi.
Je regarde tout cela distraitement, mais ce n’est que lorsque la petite fille revient, elle aussi, que la scène attire mon attention. Elle a du demander à sa mère, qui est assise juste derrière moi, que son petit frère se lève et lui rende sa chaise, car je suis choqué de l’entendre lui réponde : « Vois ça avec lui !». La pauvre à beau demander, et redemander, l’autre gamin ne bouge pas d’un poil et continue à se barbouiller de chocolat. Je la vois donc, du coin de l’œil, ne pas prendre l’autre chaise, restée vide, mais rester debout et, dépitée, entamer sa glace.
C’est là que la chose devient cocasse. Sa mère fini par se lever pour, je suppose, aller chercher aussi sa consommation et, crack, évidemment la petite fille se glisse sur sa chaise. Maintenant, je me dis : « J’attends la suite ». La mère revient et veut, bien sûr, récupérer sa place. La fille, qui veut lui donner une leçon, fait de la résistance. Et là, arrive ce que j’attendais. La mère se fâche et à bout d’arguments se revêt, de manière déloyale, de son autorité de mère, et la fille doit se lever.
Alors là ! Je ne fais ni une ni deux et je me retourne d’un bloc. Je regarde la mère qui, cigarette au doigt reste interloquée: « Excusez-moi, mais… tout à l’heure, votre fille n’était-elle pas dans la même situation que vous maintenant… non ? » Je regarde la fille : « C’est toi qui a raison ». La gamine, évidemment, jette des regards interrogatifs à sa mère. Les autres adultes entrent dans la conversation. Je les regarde et je répète laconiquement: « C’est elle qui a raison ». Je me retourne sur ma table et dans mon dos j’attends la mère qui fait bouger le petit frère, apeuré, pour que sa sœur récupère son du.
Une fois la fille assise, il me passe par la tête l’envie d’ajouter à son attention : « Et n’oublie pas à l’avenir, que si toi aussi tu es témoin d’une injustice, tu te dois d’intervenir, comme je viens de le faire pour toi ». Mais je ne le fais pas car j’avise dans la lumière blafarde un groupe de personnes qui lorgnent sur ma table avec convoitise. Il est temps de libérer la place.