Secrets de famille surgis du passé

3 septembre 2004

Cet été je me suis, encore une fois, rendu compte de la quantité d’évènements que nous enregistrons de façon incomplète dans les histoires de famille. Les pièces qui manquent à la compréhension n’attendent qu’une occasion pour sortir. Une conversation et la mémoire s’entrouvre.
Cristiana, la fiancée de mon cousin Luca, m’a rapporté une phrase qui a été dite par ma grand mère à ma tante Marta, la femme de mon oncle Valentino. Un jour, dans la conversation, ma grand mère maternelle, Pierina, à glissé ces mots: « Pour moi, coucher avec mon mari, c’était comme faire la vaisselle » Cette phrase est vraiment étonnante. Non seulement par le sujet abordé car je n’ai jamais connu ma grand mère que comme une femme âgée, bien sûr, mais aussi dévote et très secrète sur certaines choses. Mais en outre parce que ces mots sont à la fois un aveu et un conseil. Un aveu d’impuissance face à des règles sociales très codifiées et un conseil désabusé comme si cela était une tâche domestique qu’il fallait expédier. Le plus étonnant encore est l’acceptation de cette condition comme si l’essentiel était ailleurs.
Ma grand mère n’a jamais dit qu’elle aie été malheureuse dans son mariage. Elle l’a été terriblement lorsque son mari, mon grand père Giovanni, à été fusillé en 1944 pour acte de résistance et il a bien fallu, à partir de là et du jour au lendemain, apprendre à survivre avec tous les enfants, dont certains en bas âge… Seule.

Je rapproche ces nouvelles pièces qui ressortent du passé à d’autres qui me sont venu à l’oreille, hier, lors d’une conversation avec mon frère Alberto et qui m’a éclairé sur un autre fait resté dans l’ombre. Et là encore, c’est parce que ma mère l’a raconté à Anne l’amie de mon frère. Ce qui montre bien aussi que les confidences se font plus facilement entre femmes ou par leur intermédiaire. On constate dans les deux cas qu’il faut attendre que le fils fasse entrer une femme dans la famille pour que la mère commence à se confier.
Je m’étais toujours demandé quel attachement pouvait lier mon père à sa sœur aînée, tante Caterina. Tous les ans ma mère continue à fleurir la tombe de tante Caterina dans le cimetière délaissé de Portis. D’ailleurs encore cet été, je me suis installé à l’ombre dans la douceur du cimetière de Portis à contempler la montagne, tandis que ma mère, que j’avais juste accompagné en voiture et très contente que je ne la dérange pas, s’affairait auprès de plusieurs tombes, dont celle là.
Tante Caterina était l’aînée de la famille, mon père était le petit dernier. Il y avait d’ailleurs tellement de différence d’age qu’elle était née presque la même année que ma grand mère maternelle. Chaque année dans ce cimetière j’entends la même histoire, comme du temps où mon père venait aussi et qu’il me la racontait lui-même. Tante Caterina est morte en 1939 à l’âge de 33 ans d’une maladie de cœur. J’avais toujours été étonné que l’on puisse mourir si jeune de cette façon, mais mes questions me renvoyaient toujours à la fatalité.
Or ce que j’ai appris hier, c’est une autre histoire. Tante Caterina était en fait en pleine santé, bien faite et bien instruite puisque elle était même allée travailler à Rome, ce qui était rare pour l’époque. De retour au village, elle était tombée amoureuse d’un homme qui travaillait à la gare, la Stazione Carnia, qui a donné le nom au village justement.Ils devaient se marier. Mais, pour une raison encore non dite, cet homme est parti pour une autre femme. Elle en est morte. Et je m’imagine maintenant la douleur implacable de cette femme amoureuse… séduite… qui s’est laissée mourir de tristesse infinie. Et ce qu’on m’a toujours décrit, de façon détournée, comme une maladie de cœur était donc, en fait, un chagrin d’amour, qui est bien au sens figuré, une affaire de cœur. Moi, je crois tout à fait que l’on peut mourir d’un chagrin d’amour.

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