Mon Dentiste 2

Aujourd’hui, à peine arrivé à Paris je suis dans le quartier de la Madeleine et je vais voir un nouveau dentiste que Gilles m’a chaudement recommandé. Je l’avais déjà contacté lors de mon précédent passage à Paris mais malheureusement cela correspondait à ses congés. Confronté à quelques déboires j’avais quand même été tout heureux d’en trouver un autre d’urgence, rue du Louvre. Ou plutôt, une autre car c’était une colombienne dont j’avais été très content. Mais, alors, j’étais quand même venu faire un tour ici pour reconnaître l’endroit, car de cette rue, Alberto m’en avait parlé, il y a très longtemps. Il avait son travail, sa banque tout près d’ici, place de la Madeleine et dans un bar de cette rue il avait ses habitudes avec ses collègues. Je me souviens juste que dans sa conversation il parlait de la responsabilité du patron du bar qui servait, sans état d’âme, des pastis en rafale à des clients qui entraient, visiblement déjà bien éméchés, jusqu’à ce que, un jour… ces clients ne reviennent plus du tout.

Mais ce bar je ne l’ai jamais connu et aujourd’hui, sous le pluie, rendez-vous pris depuis l’Italie, chez mon dentiste j’y vais à coup sûr, par la ligne de métro 14, la seule automatique de Paris et que je ne prends pas souvent. J’arrive juste avec ce qu’il faut d’avance. Bien sûr, je me suis brossé les dents ce matin en me levant, mais j’ai oublié de le faire après mangé. Alors, sourire forcé, je me jette un dernier coup d’œil dans le miroir de l’ascenseur. Pour ceux encore qui se poseraient la question de savoir à quoi ils peuvent bien servir, qu’ils sachent qu’il y a toujours un miroir dans un ascenseur.

Une dame d’un certain age m’ouvre la porte et me dirige de la main, sans plus de formalités, vers la salle d’attente. J’y suis seul. Je me débarrasse de mon manteau et après avoir fait, du regard, le tour de la pièce, cossue et de bonne taille, je lorgne sur la rue mouillée depuis mes fenêtres en hauteur. Je me surprend à chercher des raisons… à penser que peut-être, d’une assistante jeune, la femme du dentiste n’en a pas voulu.

Mais je n’ai pas le temps de pousser plus loin les élucubrations car la porte s’ouvre sur un homme en blouse blanche du même âge que son assistante et qui m’invite d’un ton amical « à faire connaissance ». Sa tête me fait penser à un humoriste célèbre. J’attrape en vitesse mes affaires et je le suis pour m’asseoir sur la chaise qu’il me désigne face à son bureau. Il n’a pas fait mine de vouloir me serrer la main, mais cela ne m’a pas déplu, bien au contraire, car j’ai mis cela tout de suite sur le plan de l’hygiène.

Une fois placés, il a un très cordial « Qu’attendez-vous de moi ? » Devant lui il a une fiche cartonné, comme au bon vieux temps, sur laquelle on a déjà écrit mon nom et mon numéro de portable français. Entamant mon introduction, je lui explique que je suis à la recherche d’un dentiste sur Paris, étant auparavant en banlieue Sud où je suis encore domicilié. Je lui répète que c’est Gilles, une relation qui est un de ses patients, qui me l’a proposé.

Malgré la présence d’un pc portable slim shape il se met en devoir de remplir la fiche à la main. Il me demande si je n’ai pas quelque chose de récent à mettre dans le dossier. J’ai prévu cela et je sors de mon sac une panoramique d’il y a 6 mois. Il fait la moue en regardant le travail à faire que je suis en train de lui évoquer. « Un bridge d’un coté et une couronne de l’autre. » « et qu’en est-il d’une ancienne lésion apicale ? » Mais cette fois –ci j’ajoute tout de suite que je suis à la CMU, la sécurité sociale minimum. Tout en restant très cordial il me dit d’emblée qu’il n’est pas « équipé » pour cela. Il va d’ailleurs répéter cette formule plusieurs fois durant l’entretien. Comprendre : … il n’a pas envie de le faire. Il veut bien m’aider à trouver un dentiste susceptible de faire le travail et à cet effet il me demande d’ailleurs d’écrire moi-même mon adresse mail sur sa fiche.

Comme il essaye d’en savoir plus sur mes motivations je lui raconte un peu. Je n’ai pas choisi d’être à la CMU. Je suis à cheval sur deux pays : La France et l’Italie. Car en Italie je m’occupe de ma mère. Il rebondi et me demande d’où je suis en Italie et prétend connaître très bien le Frioul… en photo. Il me parle d’industrie du bois, de meubles dans le Sud de la région. C’est vrai, mais j’ai envie de surenchérir en parlant plutôt de mes recherches de meubles dans les montagnes au Nord, où les entreprises, au milieu de forêts immenses, importent du bois de Finlande. Mais je ne voudrais pas lui prendre trop de temps en m’éloignant du sujet de ma venue.

Il m’invite à retourner voir le dentiste qui m’a fait la dernière intervention. J’avais bien trouvé, en urgence, cette colombienne rue du Louvre pour un plombage qui était tombé. Pour la petite histoire, trois problèmes sur trois dents différentes, trois fois de suite dans le mois. Mais étant une remplaçante elle ne voulait pas s’engager sur une couronne avec un remboursement CMU. Quant au dentiste, que m’avait conseillé Monika, et qui me suivait avant cela, dans un dispensaire du 13 ème.. Difficile… car il a pété les plombs. « Ce sont des choses qui arrivent » me dit-il. Pendant qu’il me parle je me souviens que pourtant, cela avait bien commencé. Le dentiste de Monika m’avait fait, sans broncher un curetage, d’une vieille racine pour quelque chose comme 12 € alors que le dentiste de Alberto que j’avais été consulter à Gif sur Yvette, m’en demandait pas moins de 1200 €. Que l’on juge de la marge ! J’oublie de lui parler de l’autre dentiste, dans le 18 ème, que m’avait, par la suite, conseillé Monika et qui m’avait fait la panoramique qu’il a dans les mains. Mais, lui non plus ne semblait pas vouloir donner suite à… la CMU.

Croyant toujours qu’il va me faire asseoir sur son fauteuil de dentiste, je continue mon argumentation. Je lui dit que je suis désolé de profiter de son savoir pour faire le point sur quoi faire, parce que au-delà des travaux en bouche je suis intéressé de savoir si les petits soucis digestifs que j’ai en ce moment peuvent y être liés ou non. Par exemple le fait qu’il me manque des dents fait que ma mastication n’est plus aussi efficace. La dent en vis-à-vis d’une dent manquante ne travaille pas et je perds, au total, 20% de rendement. J’essaye de placer, sans y parvenir, le fait que je pense que le nombre d’actionnement de la mâchoire avant d’avaler doit être fixé depuis des années par la force de l’habitude et que si l’on ne fait pas attention à s’adapter, la mastication du bol alimentaire est incomplète, ce qui est un problème pour sa digestion. Il balaye tout suite la chose… il me reste assez de dents tout de même et il me donne les conseils suivants : « Faire de plus de petites bouchées et manger plus lentement » en utilisant le stratagème suivant : « Poser les couverts entre chaque bouchée » dit-il en mimant le geste. Quel délit d’initié!

Mais il ajoute qu’il va essayer de faire quelque chose pour moi. Il va voir s’il peut me trouver quelqu’un pour m’aider. « Et Gilles ? Il connaît plein de monde Gilles. Il va vous conseiller un autre dentiste… » Ben voyons… Je lui demande depuis combien de temps il connaît Gilles. Il lève les yeux au ciel, comme pour dire : Depuis des temps immémoriaux. D’ailleurs, quand après tout cela, je serai sorti dans la rue, je l’appellerai mon Gilles. « Ton dentiste ? Il m’a gentiment éconduit. Il a été très cordial. Il a passé quelques minutes avec moi… entre deux clients » maintenant, si j’ose dire. « Mais il n’a rien fait. Je reste avec mes questions et je reste sans dentiste. » Et là, de façon inattendue, Gilles va me glisser que lui aussi envisage de changer de dentiste. Il va en prendre un jeune (!)

Mais pour l’instant je suis encore dans le cabinet. Le dentiste est en train de me parler de la nomenclature qui a changé. La colombienne m’en avait déjà touché un mot. Lui, il n’y comprend rien. En jetant un regard en coin à son ordinateur, il avoue que de toute façon il fait tout sur papier. Oui… « à l’ancienne » j’ajoute. Il ne voit pas bien l’opportunité de s’y mettre juste au moment de partir bientôt à la retraite.

Est-ce qu’il ne va pas profiter de ma présence pour, au moins, me faire mon check up bi-annuel ? Et bien non, il me dit que la panoramique est récente et qu’elle lui a suffit. Et bien ! Voilà qui est expédié ! L’entretien est clos et il m’attend déjà à la porte pour me raccompagner. Encore une fois, je rassemble à la hâte mes affaires et je le suis. Je le salue. Et alors qu’entre déjà la cliente suivante, je l’entends m’asséner le coup final dans mon dos. « Bien sûr je ne vous fait rien payer… les conseils… c’était entre nous »

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